Enfin j’ai vu Rebelle ! (Brave en version originale, titre à mon sens plus pertinent.) Depuis le temps que je l’attendais ! Autant vous le dire, en dépit de quelques maladresses, Brave vaut largement le détour. Je ne parlerai pas ici du court métrage La Luna, qui me semblait très prometteur, que mon cinéma (que je maudis au passage) n’a pas souhaité diffuser (je n’en suis encore pas remise !).
Brièvement, rappelons l’histoire. Le cadre est celui des Highlands de l’Ecosse médiévale, au Xème siècle, temps de légendes et de créatures féroces. Le roi et la reine d’Ecosse, Fergus et Elinor, sont les représentants du Clan DunBroch, l’un des quatre clans du pays.
Pour prévenir les guerres entre les clans qui sont fréquentes chez ces écossais passionnés, la coutume veut que les premiers nés de chacun des clans puissent prétendre à la main de la princesse d’Ecosse. J’ai nommé la fille ainée de Fergus et Elinor, notre héroïne, Merida.
Merida a une chevelure rousse flamboyante et des boucles à n’en plus finir. Loin d’être une princesse modèle, elle préfère tirer à l’arc, monter à cheval, parcourir les grandes étendues verdoyantes et les montagnes d’Ecosse, et escalader des falaises à mains nues. La condition qui est la sienne l’étouffe, l’oppresse et elle ne vit que pour être libre, indépendante.
Aussi, lorsqu’on lui annonce qu’elle devra épouser celui des fils aîné des trois clans alliés des DunBroch qui se montrera le plus talentueux au tir à l’arc,
elle refuse violemment d’accepter cette situation. Elle décide de
s’opposer à cette tradition archaïque et de prétendre elle-même à sa propre main en participant elle-aussi au concours de tir à l’arc,
sans se soucier de savoir si oui ou non elle va entraîner la guerre entre les clans.
Je sais que ça n’en a pas l’air, mais en fait, Rebelle ne parle pas de la condition de princesse ou du protocole, et encore moins du prince charmant. Ce qui est au centre de l’histoire, ce sont les relations de Merida avec sa maman, Elinor, qui est finalement la seconde héroïne de Brave.
Le film décrit de façon extrêmement réaliste leur confrontation, leurs aspirations différentes. Brave est le film le plus intimiste, le plus proche de nous, de tous les Pixar que j’ai vus jusqu’ici (peut-être est-ce parce que c’est le premier Pixar presque entièrement réalisé par une femme ? Qui sait !).
Mais j’y reviendrai. Le mieux est de commencer par les critiques. Gardez en tête que tout est relatif : quand je vais voir Pixar, je m’attends toujours au meilleur, et par conséquent je me montre sévère ! Mes critiques portent d’ailleurs exclusivement sur le milieu du film, disons de la terrible erreur de Merida (je n’en dis pas plus, je ne veux pas vous spoiler ; et là-dessus, on reconnaîtra que la bande-annonce montre très peu de choses, et que c’est très bien ainsi !) à son retour au château, scène du retour comprise.
Le premier reproche que je ferais, c’est finalement un peu le même que celui que j’aurais fait à Là-haut. La force de Pixar réside dans cette volonté, ce talent, de faire des films qui séduisent aussi bien les enfants que les adultes. Pixar apporte toujours une profondeur qu’on ne trouve nulle part ailleurs et qui vient transcender le simple divertissement (déjà de haute volée, le divertissement !).
Cette ambition est tout à fait compréhensible (il y a l’idée reçue selon laquelle on ne peut faire un film d’animation pour adultes : pas le choix, si on veut toucher les adultes, il faut néanmoins toucher aussi les enfants) et profondément louable.
Bref, on pourra dire que Pixar véhicule parfois un message conservateur à l’américaine (autour des "vraies valeurs") ou que sa stratégie est purement commerciale. Mais pour ma part, je me dis que l’essentiel est de réaliser de grands films. Et de ce point de vue là, le pari est quasiment toujours réussi.
Je ne le répèterai jamais assez. Je pense que Pixar est au-dessus de ses concurrents. J’aime Shrek, et l’Âge de glace. Mais tant du point de vue du scénario que de la qualité d’image, je reconnais que quasiment tous les Pixar leur sont supérieurs. Même Cars 2 qui a essuyé de nombreuses critiques était au-dessus du panier. Et j’ai horreur de Madagascar, que je trouve pauvre visuellement, grossier, et pas vraiment fin.
Ceci étant (voilà ma critique),
apporter une nuance de gravité et de réflexion à un film d’animation divertissant,
cela ne fonctionne pas toujours aussi bien que dans
Toy Story 3. Quand Pixar se montre plus ambitieux, cela peut devenir
maladroit.
Wall-E (que j’adore, et que j’admire tant le pari était fou !) est un film qui est coupé en deux. Aux problèmes de la vieillesse, de la solitude et de la liberté abordés par
Là-haut, viennent soudain s’ajouter, et venus d’on ne sait où, des chiens parlant dignes des dessins animés pas très évolués produits à la chaîne pour la télévision.
Parfois c’est maladroit, et de temps en temps c’est même dérangeant. Voilà ce qui m’a gênée dans Rebelle. Répétons le, Brave n’est pas un Disney. Et ceux qui ont vu Raiponce ne peuvent pas faire la comparaison (bon, si on excepte une chanson de la VF, qui est chantée par Maéva Méline – la voix française de Raiponce). Le film est grave, presque violent dans ses symboles, et aborde des thèmes réellement sérieux, qui tendent presque vers notre vie quotidienne.
Et c’est là que ça se gâte. Comme je l’ai dit plus haut, Merida fait une terrible erreur, déjà dérangeante en elle-même. Pourtant, bizarrement, elle passe de l’effroi et de la tristesse à une certaine désinvolture, permettant quelques petites tentatives d’humour inopinées si ce n’est incongrues, qui m’ont plutôt surprise qu’autre chose. Constamment, nous sommes sur le fil du rasoir. Une scène peut être drôle et naïve et l’autre nous rappeler la dure réalité. Durant toute la partie centrale du film, on ne sait sur quel pied danser, et au fond j’ai trouvé que cela rendait les choses encore plus dérangeantes.
Ce qui m’amène à la seconde critique. Brave semble construit comme un conte médiéval. A savoir qu’il n’y a pas de lente montée en puissance vers une fin en apothéose. Ce sont plutôt les péripéties et les décisions des personnages qui se succèdent de façon inattendue voire désordonnée, et en ce sens il vaut mieux se laisser porter par les événements. Cela ne m’aurait pas gênée si cela ne m’avait pas laissé une impression un peu brouillonne. On passe de passages apaisés à d’autres d’action, sans prendre le temps de s’installer dans l’un ou l’autre des passages, sans en profiter réellement.
Si on fait abstraction du cœur du film, qui m’a laissé une impression un peu floue, je peux dire que Rebelle est un très beau film !
D’un point de vue graphique, le film est splendide, sans doute à l’image des légendes écossaises. Les forêts sont sombres, baignées d’un éclat bleuté, les ours sont noirs et terrifiants, parfois la brume envahit l’air, les torches brûlent dans les couloirs du château… Magnifique réalisation technique ! Les images sont d’une beauté à couper le souffle ! Et c’est sans compter les cheveux de Merida, d’une couleur incroyable, qui bouclent dans tous les sens avec un naturel fantastique !
Ce qui est fabuleux, c’est cette immersion en pays écossais (qui doit être encore plus évidente en version originale, surtout que la voix de Bérénice Béjo n’est pas terrible). La musique de Patrick Doyle avec ses cornemuses, les coutumes ancestrales, la sorcellerie et les feux-follets, les menhirs, le gaélique, les thèmes du destin, de la bravoure, une malédiction, des récits mythiques que les écossais se racontent depuis la nuit des temps, la nature majestueuse mais effrayante… Voilà une incursion fascinante dans l’Ecosse d’autrefois.
Et reste enfin l’histoire. Si certains passages sont drôles (notamment le papa débonnaire de Merida, ou ses trois petits frères Hamish, Harris et Hubert, trop mignons !) je ne suis pas sortie du cinéma le cœur léger. Ce qui domine ce sont les passages tristes, émouvants.
Si tant est qu’on aime un peu sa maman, on ne peut pas être insensible à Brave. La reine Elinor est une femme exemplaire, admirable, qui a su conjuguer ses devoirs de reine, de mère, sans pour autant sacrifier sa force de caractère ou son courage. C’est un personnage féminin impressionnant. Mais Merida aussi est géniale. D’abord elle a les cheveux frisés (ce qui est bien) et roux, et ensuite elle a du caractère. Et Elinor et Merida s’aiment et se respectent énormément.
Pourtant, Brave raconte l’histoire de leur confrontation. J’ai trouvé certaines scènes particulièrement dures. La fin évidemment, mais également une autre scène fortement symbolique, celle où la tapisserie est déchirée. Sur un plan psychologique, j’ai trouvé que le film était parfois violent. Sans doute les enfants passeront à côté de cette violence, mais je peux vous dire qu’elle ne m’a pas laissée indemne.
Mais au final, le plus important, c’est que Rebelle nous raconte aussi l’amour que Merida et sa maman se portent. Toutes les deux évoluent et cherchent à se comprendre. Brave est une énorme déclaration d’amour à toutes les mamans. Le message est tout simple. Et le message est très beau. Je suis sortie du cinéma très émue.
Brave est encore un film ambitieux de Pixar. Aborder de cette façon là le thème de la relation mère-fille, et dans un cadre aussi travaillé et chouette que l’Ecosse médiévale, c’est déjà franchement une prouesse. Peut-être les plus jeunes n’y trouveront-ils pas leur compte, on s’éloigne ici du divertissement, mais pour les autres, Brave est un film à ne vraiment pas rater. Juste pour voir qu’en termes de cinéma d’animation, on peut réaliser des choses totalement nouvelles.
Enfin, ma conclusion est pour le destin, et ces très jolis mots de Merida. Si tout le monde n’a pas la chance de trouver son destin, certains sont au contraire guidés vers lui. Pourtant, le destin est en chacun de nous, et on peut le trouver, pourvu qu’on se montre… brave.