« Un matin de pluie, je fis une belle récolte d’escargots jaunes finement striés de noir et d’autres qui alternaient d’élégantes raies vernissées, tantôt jaune, tantôt marron. Je les installai dans un pot de terre tapissé de feuilles de salade et restai de longs moments, accroupie, à les observer. »
Miss Charity fait partie de ces romans qui restent à jamais dans le cœur des lecteurs. C’est une véritable merveille de douceur, de poésie et d’humour, et je ressens une terrible mélancolie à l’idée d’en avoir parcouru les dernières pages. Je n’ai qu’une envie, celle de recommencer le roman au début. En dépit de ses 560 et quelques pages, Miss Charity se dévore avec un plaisir immense.
Avant de vous dire tout le bien que je pense du roman, il y a une chose que je dois dire : j’ai été très déçue par la fin. Tout au long du livre, je me suis sentie très attachée à Charity, timide, maladroite, fragile, passionnée, volontaire, intelligente. Mais dès lors qu’elle devient écrivain, elle m’a paru changer un peu trop pour rester Charity. J’ai cru la voir devenir sûre d’elle, un peu insensible parfois (et je n’ai plus vu Charity, mais plutôt Beatrix Potter, qui n’est pas, à mon sens, Miss Charity). Je me suis sentie bien malgré moi, et avec tristesse, m’éloigner de cette Charity que j’avais tant appréciée tout au long du roman.
Du coup, je n’ai plus vu les rapports de Charity avec Kenneth Ashley de la même façon. Le dénouement que j’attendais s’est bien produit, mais n’a pas eu la force que j’espérais. J’ai trouvé qu’il lui manquait la chaleur du reste du roman, et j’aurais aimé y trouver un peu plus d’humanité. Le roman aurait peut être gagné à être un petit peu moins long sur la fin.
J’ai conscience que ces reproches sont très personnels, mais puisque c’est la dernière chose que j’ai lue, je ne pouvais pas ne pas en parler. En terminant Miss Charity, j’ai été doublement triste : petit goût d’inachevé d’une part, et mélancolie de devoir quitter le monde de Charity d’autre part.
Bref, assez de commentaires négatifs ! Disons que tout est relatif : la fin ne m'a déçue que parce que le reste est génial. Si j’écris ce billet, c’est surtout pour rendre hommage à ce fabuleux roman.
Miss Charity raconte l’histoire de la petite Charity Tiddler, fillette atypique dans l’Angleterre de la fin du XIXème siècle. On suit ses aventures, de son plus jeune âge à ses vingt-cinq ans. Ce qui m’a frappée chez Charity, c’est le contraste qu’il existe entre son apparente solitude, et son appétit de vivre, son immense curiosité du monde qui l’entoure, son pragmatisme, et lorsqu’elle vient à grandir, sa volonté de toujours apprendre plus, découvrir plus, d’aller de l’avant, même lorsque cela paraît impossible.
« Autant les fleurs et les champignons trouvaient facilement leur nom et leur définition au clair soleil de ma raison, autant les choses humaines se déposaient au fond de moi, toutes grises et indécises. »
Miss Charity a peu d’occasions de rencontrer des personnes de son âge, et lorsqu’elle en a, ce n’est jamais une réussite : la fillette est très réservée, et garde en toutes circonstances un naturel qui détonne dans la société bourgeoise guindée du XIXème siècle. Mrs Tiddler trouve que sa fille n’est ni belle, ni intelligente. Seuls le cousin Philip, jeune homme faible et délicat, et le remarquable Kenneth Ashley, fanfaron autoritaire, râleur, un peu maladroit parfois, mais plutôt séduisant (plutôt oui !) semblent accorder à la jeune femme toute l’attention qu’elle mérite.
Le reste du temps, Charity s’isole au troisième étage de la demeure londonienne familiale, avec pour seule compagnie sa bonne écossaise un peu étrange, sa gentille gouvernante française … et sa ménagerie. Il y a là-haut tout le petit monde dont la fillette prend soin. C’est au milieu de tous ses lapins, souris, hérissons et crapauds, que Charity va grandir.
D’abord passionnée par ses expériences scientifiques, Miss Tiddler décide ensuite de peindre tous ses amis. Charity commence par les champignons londoniens, puis peint son cher Master Peter, lapin intelligent et sociable, et devient progressivement une merveilleuse conteuse, dont les talents et l’humanité ravissent tous les enfants.
« Lydia : C’est Charity Tiddler qui aurait bien besoin d’un médecin.
Philip : Qu’est-ce qu’elle a ? Est-elle malade ?
Lydia : Elle est folle. Elle récite du Shakespeare au milieu de tout un ramassis de bestioles !
J’ignore d’où elle tenait son information, mais je dus reconnaître que c’était un assez bon résumé de ma vie. »
Comment dire précisément ce qui m’a touchée dans Miss Charity ? Le roman dans son ensemble est envoûtant.
Disons tout d’abord, que j’ai eu l’impression de retourner en enfance. L’univers de Charity est chaleureux, rassurant. Avec elle, on se souvient de ce qu’on peut éprouver lorsqu’on est enfant : courses au grand air, soirées en famille au coin du feu quand la neige tombe au dehors, heures studieuses et passionnantes… Charity nous fait redécouvrir le monde avec un regard d’enfant. En ceci, je n’ai pas pu m’empêcher de penser à la Comtesse de Ségur, ou à La Petite Princesse (de F.H.Burnett).
C’est aussi pour cette raison que le roman est une merveille de bonne humeur : Charity, en raison de son naturel, de sa candeur, de son intégrité, livre toutes ses impressions avec franchise. Tout son entourage y trouve son compte, de ses cousines frivoles à Johnny Johnson (celui-là écrit sur ses manchettes pour avoir matière à dire lorsqu’il s’adresse aux jeunes filles !). Charity pose un regard affectueux, mais lucide, sur toutes choses. C’est rafraichissant et émouvant à la fois.
« Bien que muet, papa était sociable. [...] Il était, je crois l’avoir déjà dit, un adepte de la pêche à la mouche. Il avait donc des amis qui pêchaient à la mouche et qui, quand ils ne pêchaient pas à la mouche, parlaient de pêche à la mouche. »
Le roman, nous fait passer vingt ans chez Charity. Son monde devient inévitablement celui du lecteur. Ses rencontres, qu’il m’est impossible d’énumérer ici tant elles sont riches, sont aussi celles du lecteur. Malheureusement, comme pour tout le monde, le temps passe, et la vie de Charity n’est pas toujours rose. A chacun des malheurs qu’elle rencontre, on ne peut pas ne pas avoir un pincement au cœur. Et puisque la vie continue, on reprend notre lecture avec un brin de nostalgie pour les bons moments passés. Gardez à l’esprit que si le roman est parfois triste, il conserve toujours le même charme. Lorsqu’on arrive à la fin de l’histoire, je peux vous certifier que c’est vraiment émouvant (et puis rageant aussi : pourquoi donc a-t-on voulu lire aussi vite ?).
J’ai aimé la légèreté que Marie-Aude Murail apporte au XIXème siècle, si rigide et si exigeant. L’auteur reprend les conventions de l’époque, mais ne s’y attaque pas. Elle ajoute surtout un petit grain de folie : Charity, son enthousiasme et son ouverture d’esprit. Charity, dont le destin est inspiré de celui de Beatrix Potter (célèbre naturaliste de l’Angleterre victorienne et créatrice de Peter Rabbit), est un hommage à ces femmes qui ont su, par la force de leur volonté, prendre leur indépendance.
Miss Charity rend aussi hommage aux figures marquantes du XIXème siècle. On a la chance de rencontrer Oscar Wilde, excentrique à souhait, et Bernard Shaw, figure mystérieuse et atypique. J’ai très envie à présent de me replonger dans leurs œuvres ! Le roman fourmille d’allusions littéraires, et artistiques, mais je suis bien certaine d’en avoir manqué beaucoup.
Enfin, une dernière chose. Miss Charity est un roman formidable, mais il ne faut pas oublier les nombreuses aquarelles qui illustrent le livre. C’est Charity qui raconte son histoire, et qui l’illustre aussi ! (pour être exact, l’illustrateur est Philippe Dumas). Ce sont ces aquarelles qui égaient ici mon billet. A l’image du roman, elles rendent hommage à la joie de vivre de Charity (et voilà qui donne envie de prendre les pinceaux !).
Alors voilà. Miss Charity est un livre merveilleux, qui ravira petits et grands. Dans sa poésie, chacun trouvera ce qu’il souhaite. C’est un roman qui ne manquera pas de consoler ceux qui n’ont pas le moral, à la manière dont peut le faire la série des Quatre Sœurs de Malika Ferdjoukh. Pour ma part, j’y ai lu une très belle leçon de vie, une consolation à la solitude, un encouragement à prendre la vie du bon côté, et une multitude d’autres choses.
Miss Charity fait partie de ces romans qui restent à jamais dans le cœur des lecteurs. C’est une véritable merveille de douceur, de poésie et d’humour, et je ressens une terrible mélancolie à l’idée d’en avoir parcouru les dernières pages. Je n’ai qu’une envie, celle de recommencer le roman au début. En dépit de ses 560 et quelques pages, Miss Charity se dévore avec un plaisir immense.
Avant de vous dire tout le bien que je pense du roman, il y a une chose que je dois dire : j’ai été très déçue par la fin. Tout au long du livre, je me suis sentie très attachée à Charity, timide, maladroite, fragile, passionnée, volontaire, intelligente. Mais dès lors qu’elle devient écrivain, elle m’a paru changer un peu trop pour rester Charity. J’ai cru la voir devenir sûre d’elle, un peu insensible parfois (et je n’ai plus vu Charity, mais plutôt Beatrix Potter, qui n’est pas, à mon sens, Miss Charity). Je me suis sentie bien malgré moi, et avec tristesse, m’éloigner de cette Charity que j’avais tant appréciée tout au long du roman.
Du coup, je n’ai plus vu les rapports de Charity avec Kenneth Ashley de la même façon. Le dénouement que j’attendais s’est bien produit, mais n’a pas eu la force que j’espérais. J’ai trouvé qu’il lui manquait la chaleur du reste du roman, et j’aurais aimé y trouver un peu plus d’humanité. Le roman aurait peut être gagné à être un petit peu moins long sur la fin.
J’ai conscience que ces reproches sont très personnels, mais puisque c’est la dernière chose que j’ai lue, je ne pouvais pas ne pas en parler. En terminant Miss Charity, j’ai été doublement triste : petit goût d’inachevé d’une part, et mélancolie de devoir quitter le monde de Charity d’autre part.
Bref, assez de commentaires négatifs ! Disons que tout est relatif : la fin ne m'a déçue que parce que le reste est génial. Si j’écris ce billet, c’est surtout pour rendre hommage à ce fabuleux roman.
Miss Charity raconte l’histoire de la petite Charity Tiddler, fillette atypique dans l’Angleterre de la fin du XIXème siècle. On suit ses aventures, de son plus jeune âge à ses vingt-cinq ans. Ce qui m’a frappée chez Charity, c’est le contraste qu’il existe entre son apparente solitude, et son appétit de vivre, son immense curiosité du monde qui l’entoure, son pragmatisme, et lorsqu’elle vient à grandir, sa volonté de toujours apprendre plus, découvrir plus, d’aller de l’avant, même lorsque cela paraît impossible.
« Autant les fleurs et les champignons trouvaient facilement leur nom et leur définition au clair soleil de ma raison, autant les choses humaines se déposaient au fond de moi, toutes grises et indécises. »
Miss Charity a peu d’occasions de rencontrer des personnes de son âge, et lorsqu’elle en a, ce n’est jamais une réussite : la fillette est très réservée, et garde en toutes circonstances un naturel qui détonne dans la société bourgeoise guindée du XIXème siècle. Mrs Tiddler trouve que sa fille n’est ni belle, ni intelligente. Seuls le cousin Philip, jeune homme faible et délicat, et le remarquable Kenneth Ashley, fanfaron autoritaire, râleur, un peu maladroit parfois, mais plutôt séduisant (plutôt oui !) semblent accorder à la jeune femme toute l’attention qu’elle mérite.
Le reste du temps, Charity s’isole au troisième étage de la demeure londonienne familiale, avec pour seule compagnie sa bonne écossaise un peu étrange, sa gentille gouvernante française … et sa ménagerie. Il y a là-haut tout le petit monde dont la fillette prend soin. C’est au milieu de tous ses lapins, souris, hérissons et crapauds, que Charity va grandir.
D’abord passionnée par ses expériences scientifiques, Miss Tiddler décide ensuite de peindre tous ses amis. Charity commence par les champignons londoniens, puis peint son cher Master Peter, lapin intelligent et sociable, et devient progressivement une merveilleuse conteuse, dont les talents et l’humanité ravissent tous les enfants.
« Lydia : C’est Charity Tiddler qui aurait bien besoin d’un médecin.
Philip : Qu’est-ce qu’elle a ? Est-elle malade ?
Lydia : Elle est folle. Elle récite du Shakespeare au milieu de tout un ramassis de bestioles !
J’ignore d’où elle tenait son information, mais je dus reconnaître que c’était un assez bon résumé de ma vie. »
Comment dire précisément ce qui m’a touchée dans Miss Charity ? Le roman dans son ensemble est envoûtant.
Disons tout d’abord, que j’ai eu l’impression de retourner en enfance. L’univers de Charity est chaleureux, rassurant. Avec elle, on se souvient de ce qu’on peut éprouver lorsqu’on est enfant : courses au grand air, soirées en famille au coin du feu quand la neige tombe au dehors, heures studieuses et passionnantes… Charity nous fait redécouvrir le monde avec un regard d’enfant. En ceci, je n’ai pas pu m’empêcher de penser à la Comtesse de Ségur, ou à La Petite Princesse (de F.H.Burnett).
C’est aussi pour cette raison que le roman est une merveille de bonne humeur : Charity, en raison de son naturel, de sa candeur, de son intégrité, livre toutes ses impressions avec franchise. Tout son entourage y trouve son compte, de ses cousines frivoles à Johnny Johnson (celui-là écrit sur ses manchettes pour avoir matière à dire lorsqu’il s’adresse aux jeunes filles !). Charity pose un regard affectueux, mais lucide, sur toutes choses. C’est rafraichissant et émouvant à la fois.
« Bien que muet, papa était sociable. [...] Il était, je crois l’avoir déjà dit, un adepte de la pêche à la mouche. Il avait donc des amis qui pêchaient à la mouche et qui, quand ils ne pêchaient pas à la mouche, parlaient de pêche à la mouche. »
Le roman, nous fait passer vingt ans chez Charity. Son monde devient inévitablement celui du lecteur. Ses rencontres, qu’il m’est impossible d’énumérer ici tant elles sont riches, sont aussi celles du lecteur. Malheureusement, comme pour tout le monde, le temps passe, et la vie de Charity n’est pas toujours rose. A chacun des malheurs qu’elle rencontre, on ne peut pas ne pas avoir un pincement au cœur. Et puisque la vie continue, on reprend notre lecture avec un brin de nostalgie pour les bons moments passés. Gardez à l’esprit que si le roman est parfois triste, il conserve toujours le même charme. Lorsqu’on arrive à la fin de l’histoire, je peux vous certifier que c’est vraiment émouvant (et puis rageant aussi : pourquoi donc a-t-on voulu lire aussi vite ?).
J’ai aimé la légèreté que Marie-Aude Murail apporte au XIXème siècle, si rigide et si exigeant. L’auteur reprend les conventions de l’époque, mais ne s’y attaque pas. Elle ajoute surtout un petit grain de folie : Charity, son enthousiasme et son ouverture d’esprit. Charity, dont le destin est inspiré de celui de Beatrix Potter (célèbre naturaliste de l’Angleterre victorienne et créatrice de Peter Rabbit), est un hommage à ces femmes qui ont su, par la force de leur volonté, prendre leur indépendance.
Miss Charity rend aussi hommage aux figures marquantes du XIXème siècle. On a la chance de rencontrer Oscar Wilde, excentrique à souhait, et Bernard Shaw, figure mystérieuse et atypique. J’ai très envie à présent de me replonger dans leurs œuvres ! Le roman fourmille d’allusions littéraires, et artistiques, mais je suis bien certaine d’en avoir manqué beaucoup.
Enfin, une dernière chose. Miss Charity est un roman formidable, mais il ne faut pas oublier les nombreuses aquarelles qui illustrent le livre. C’est Charity qui raconte son histoire, et qui l’illustre aussi ! (pour être exact, l’illustrateur est Philippe Dumas). Ce sont ces aquarelles qui égaient ici mon billet. A l’image du roman, elles rendent hommage à la joie de vivre de Charity (et voilà qui donne envie de prendre les pinceaux !).
Alors voilà. Miss Charity est un livre merveilleux, qui ravira petits et grands. Dans sa poésie, chacun trouvera ce qu’il souhaite. C’est un roman qui ne manquera pas de consoler ceux qui n’ont pas le moral, à la manière dont peut le faire la série des Quatre Sœurs de Malika Ferdjoukh. Pour ma part, j’y ai lu une très belle leçon de vie, une consolation à la solitude, un encouragement à prendre la vie du bon côté, et une multitude d’autres choses.
Ma chère Annwvyn, quel beau billet... Un grand bravo !!! J'ai lu cet été Miss Charity et ai été enchantée. Sans parler des illustrations !
RépondreSupprimerMaintenant, il faut que je me renseigne un peu sur Beatrix Potter que je ne connais pas du tout (de nom, mais je n'ai pas vu le film qui avait été fait sur sa vie...)
Bisous et bon weekend !
Merci Artemis ! J'ai lu assez peu d'avis négatifs sur Miss Charity, pour ne pas dire aucun. Alors quand on a un petit penchant pour le XIXème siècle anglais, on ne peut pas ne pas succomber au charme de ce roman !
RépondreSupprimerJe vais moi-aussi me renseigner sur Beatrix Potter (notamment au travers du film), et peut être aussi jeter un oeil sur ses ouvrages !
Bisous à toi aussi, passe une bonne journée !
Un de mes grands favoris!!! :D
RépondreSupprimerMiss Charity... J'en garde moi aussi un excellent souvenir ! De toute façon, il est difficile d'être déçu(e) par Marie-Aude Murail...
RépondreSupprimerAh, si, une chose tout de même qui m'avait énervée avec ce roman... Il est trop gros pour être transporté facilement !
Oui, il est trop gros, je suis bien d'accord ! On aimerait bien que tous nos livres préférés soient édités en poche aussi, pour pouvoir nous accompagner partout !
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