dimanche 21 mars 2010

→ MYSTÈRE BOUFFE - COMÉDIE FRANÇAISE

Cet après midi je suis allée à la Comédie Française. J’adore aller à la Comédie Française et ce quelle que soit la pièce : le cadre fait qu’on a l’impression de faire un petit saut dans le passé. Et hop ! Me voilà transportée dans mon cher XIXème siècle - début XXème ! J’aime énormément l’ambiance, et le spectateur peut jouer le rôle de « celui qui va au théâtre en 1920 ».

Et puis en passant, un peu de publicité : la Comédie Française propose des programmes variés. D'accord les auteurs encore vivants y sont rarement joués, mais ça arrive ! La preuve, c'est la pièce à laquelle je viens d'assister. Ne surtout pas croire que la Comédie Française, c'est seulement pour les personnes du troisième âge qui ne jurent que par Molière !

Bien entendu, la Comédie Française, c’est encore plus satisfaisant quand on va y voir une bonne pièce. Aujourd’hui, j’ai assisté à la représentation de Mystère Bouffe, pièce contemporaine, de l’auteur italien Dario Fo. Difficile de dire de quoi parle la pièce. C’est un ensemble de fables courtes, en rapport avec l’homme et la religion catholique, sur fond de Passion du Christ. Tout est centré autour de l’idée selon laquelle « au Moyen-âge, le peuple a créé la bouffonnerie, parce qu’il en avait besoin, comme moyen de réaction contre l’Eglise et les puissants ».

« Mystère Bouffe » doit s’envisager comme une opposition au « mystère sacré » qu’on trouve dans la Bible. Ce qui est critiqué là, c’est le trop grand sérieux auquel la religion nous oblige, c’est le fait que la religion devienne le moyen de discipliner les foules. Ce à quoi on s’attaque surtout, c’est au concept de « Dieu tout puissant », qui domine l’homme, qui contraint l’homme, qui fait même souffrir Marie et Jésus.

D’ordinaire, je préfère les « vraies » pièces de théâtre, qui racontent une « vraie » histoire, plutôt que les scénettes qui se succèdent les unes aux autres. Mais dans Mystère Bouffe, la construction un peu décousue passe très bien, parce que les fables racontées sont prenantes et variées, et parce que les comédiens sont ma-gis-traux.

Mystère Bouffe est très drôle. La pièce, initialement conçue comme un « one man show », fait se succéder quantité de personnages différents. Chacun y va de sa petite histoire, les personnages sont pittoresques, caricaturaux, grotesques. Certains passages sont tout simples, mais si absurdement drôles ! On peut parler des moines qui méditent tant qu’ils finissent par léviter : « Plus près de toi, Mon Dieu ! », chantonnent-ils en s’élevant dans les airs. Mais alors, il faut trouver un moyen de les redescendre de là ! On peut raconter aussi la résurrection de Lazare : la foule s’agglutine au cimetière, assiste au miracle, et repart en emportant son souvenir « petit Lazare en mousse ». Il y a aussi l’Italien qui séduit la mort, alors que Jésus prend son dernier repas dans la pièce à côté.

Donc cette pièce est irrévérencieuse envers l’Eglise. Jésus qui se sacrifie pour les hommes est traité de fou, les histoires bibliques sont réadaptées façon moyen-âge, on atteint parfois des sommets de bouffonnerie. Je pense ici aux « cochons volants » qui accompagnent la Passion du Christ, seule scène trop « bouffe » à mon goût, et qui m’a un peu gênée.

Irrévérencieuse envers l’Eglise, d’accord. Mais le message reste profondément respectueux de la religion. Il s’agit seulement de replacer l’homme au centre du monde. Dans Jésus, dans Marie, Dario Fo nous demande de voir l’homme, leur bonté, leur compassion. On ne doit plus s’attarder sur l’image de la croix, sur l’image de notre monde de souffrance qui ne sert qu’à préparer l’au-delà : Jésus était formidable, « Dieu tout puissant » est seulement là pour discipliner les faibles, les puissants de ce monde se servent des symboles religieux pour calmer le peuple.

Le peuple n’a plus qu’un seul moyen de se faire entendre : devenir le jongleur, le bouffon qui va faire de la vie quelque chose de riche, de gai, de drôle, de spirituel, celui qui va prendre sa liberté par rapport à la rigidité qui lui est imposée. A la fin de la pièce, Jésus descend de sa croix, et sa croix brûle. Tout est dit : Jésus est quelqu’un qu’on ne peut pas manquer d’aimer, mais il faut se moquer des hommes qui ont fait de la croix le lugubre symbole de la religion.

La pièce est épatante de par sa richesse : on passe des bouffonneries de la populace enthousiaste, à la Passion du Christ, et à la douleur de Marie. Au premier plan de la scène, les acteurs hyper talentueux, jouent seuls, chacun à leur tour, une courte fable. Le même acteur peut jouer de nombreux personnages à lui tout seul … et on voit parfaitement la différence ! J’ai été époustouflée par le talent des comédiens.

Et au fond de la scène, derrière une toile, apparaissent le Christ et sa croix.
Ces scènes sont très dignes, parfois terribles. Jésus qui porte sa croix, Marie qui prie à ses pieds … Ces passages sont poignants et plus vrais que nature. Et souvent, le monde des humains vient empiéter sur la noblesse de la scène, pour la rendre plus dure encore : les gardes qui parient sur le nombre de coups de marteaux qu’il leur faudra pour clouer les mains de Jésus, la croix qui n’est pas stable et Jésus qui est malmené, Marie qui insulte presque l’ange Gabriel qui prétend comprendre sa souffrance de mère …

Je sais que ce que j’écris là peut vous faire penser que Mystère Bouffe est une pièce ultra bizarre, ou pas du tout attirante. Et pourtant Mystère Bouffe vaut vraiment le détour. Les comédiens ont un talent à couper le souffle et leur capacité à faire rire avec peu de mots est extraordinaire.

Et puis les questions soulevées au beau milieu de ces jongleries sont passionnantes, et je ne peux pas m’empêcher de m’en poser d’autres : si au Moyen-âge la religion n’était qu’un moyen de contrôler le peuple, est-ce toujours le cas aujourd’hui ? Et si non, pourquoi se focalise-t-on toujours si absurdement sur les aspects négatifs, rigides de la religion ? N’est ce pas complètement idiot de rester dans l’idéal religieux moyenâgeux ? Pourquoi on ne pourrait pas tout simplement profiter de la vie ?

2 commentaires:

  1. Hum... je crois qu'au final c'est bien que je ne suis pas allée voir ça parce que si j'y étais allée, j'aurais rien compris : trop de références catholiques!

    RépondreSupprimer
  2. Bien, c'est vrai que la religion était au centre de la pièce. Mais c'est surtout moi qui insiste sur la religion catholique dans mon analyse.
    Il y avait plein d'autres choses dans cette pièce : l'importance du théâtre, du rire, la nécessité de profiter de la vie (et ça tu aurais aimé !)... Et tout le monde a apprécié à sa manière, suivant son arrière plan religieux !

    RépondreSupprimer

Écrire un commentaire