mardi 20 juillet 2010

→ POT BOUILLE - JULIEN DUVIVIER

Voilà un nouveau film que je veux vous présenter. Il s’agit de l’adaptation par Julien Duvivier (Pépé le Moko, La femme et le pantin) du célèbre roman Pot Bouille d’Emile Zola.

Je sais déjà qu’on peut avoir pas mal de préjugés sur ce film. D’abord il est en noir et blanc, ensuite il date de 1957 et enfin il est français (et sans que je ne sois très au fait du cinéma français, je crois pouvoir dire qu’on trouve dans Pot Bouille des premiers éléments de notre cinéma français contemporain).

Mais Pot Bouille mérite vraiment qu'on s'y intéresse(et puisqu’il semble qu’il soit depuis peu devenu introuvable sur le net, je veux bien le graver à ceux qui seraient tentés). Pour quelles raisons ? D'abord parce que c’est une adaptation très réussie du roman de Zola. Ensuite parce que Gérard Philipe et Danielle Darrieux y sont merveilleux. Et enfin parce que c’est un film de 1957 qui est incontestablement mo-derne.

Pot Bouille de Zola raconte l’arrivée du jeune Octave Mouret à Paris. Souvenez vous, c’est lui le Mouret de Au Bonheur des Dames, le génial homme d’affaire, charismatique, brillant, enthousiaste !

Le jeune homme, venu de Plassans (l’équivalent littéraire d’Aix-en-Provence) s’installe dans la capitale pour faire carrière. En matière commerciale, le « bel Octave » se sait talentueux. Très talentueux. La seule chose qui lui manque, c’est l’admiration (et pourquoi pas un peu plus ?) de toutes les femmes de Paris. Octave devient alors commis dans une petite boutique de confections, Au Bonheur des Dames, et emménage dans un immeuble bourgeois parisien.

Pot Bouille, c’est l’histoire des résidents de ce grand immeuble. Et autant dire que tous ces bourgeois sont loin d’être aussi respectables qu’on le dit. Dans le couple Duveyrier, Monsieur trompe Madame. L’étage au-dessus, c’est Madame Vabre qui trompe son mari. Un étage plus haut, Madame Josserand, qui rejoue les Mrs Bennet d'Orgueil et Préjugés, veut caser ses filles à tout prix (avec un homme riche, de préférence). Dans ce bel immeuble, il y a les "jouisseurs" (discrets) et les autres (en petit nombre). Inutile de dire qu'Octave en profite. A quoi bon aller chercher les jolies femmes ailleurs quand il y en a tant dans la maison ?

Le terme "pot bouille" désigne au XIXème siècle la "popote" des ménages. La vie de ce grand immeuble bourgeois n’est en réalité qu’une mauvaise bouillie, un mélange peu ragoûtant, où finalement RIEN n’est reluisant.

Je me souviens avoir aimé le roman. Même si c’est un peu pesant et un peu lourd. Parce que Zola y fait de l’humour noir (très noir, je le concède). Et surtout parce qu’on y voit les débuts pas si maladroits que ça de notre cher Octave Mouret.

Le film de Duvivier est une franche réussite. Tout en distillant le message de Zola : « les bourgeois du XIXème n’ont que l’apparence de la respectabilité », le film redonne de la légèreté à l’histoire. Le traitement de la musique est moderne pour un film de cette époque, et égaye des situations qui auraient sinon pu paraître sordides. Certaines scènes qui faisaient un peu "too much" dans le roman disparaissent, mais sans que cela ne soit gênant. Ce qui passait par la surenchère de l’auteur, est véhiculé dans le film par un je-ne-sais-quoi d’humour (toujours noir, n’exagérons rien) et d’enthousiasme.

Dans Pot Bouille, j’ai aussi aimé qu’Octave Mouret soit légèrement différent de celui du livre. C’est un Octave visionnaire, déjà tourné vers Au Bonheur des Dames, plus sûr de lui que dans le roman, plus séduisant aussi. Sur ce coup là, je tire mon chapeau à Gérard Philipe. Son interprétation (que certains jugent trop théâtrale cependant) est parfaite. Il est à la fois le jeune homme arrivé du sud, un peu frimeur, un peu maladroit (il finit tout de même par mettre la pagaille dans cet immeuble si rangé !), à la fois le génie commercial en devenir. Mouret est aussi quelqu’un qui met la dignité au premier plan. Et apporter de la dignité dans ce monde aussi peu reluisant, c’est ce que Gérard Philipe parvient à faire sans problème.

Mon seul regret concerne Madame Hédouin, la propriétaire d'Au Bonheur des Dames, magistralement incarnée par Danielle Darrieux. Sans doute pour donner une touche romanesque au film (qu’on ne trouve pas du tout dans le roman, bien sûr), il a fallu que la jeune femme soit elle aussi victime du charme d’Octave Mouret. Dans le roman, ce-dernier l’admire et la respecte. Elle est une femme sage et indépendante. Dans le film, elle n’est qu’une conquête de plus de Mouret, disons LA conquête du jeune homme (en gros : il ne respecte vraiment aucune femme celui-là !). J’ai donc trouvé dommage pour elle qu’elle succombe aussi (attention je ne dis pas que c’est désagréable !).

On ne s’ennuie pas un seul instant devant Pot Bouille. D’un roman parfois rébarbatif ou écœurant, Duvivier fait un film moderne, souvent drôle, au rythme enlevé et aux personnages pittoresques. Au centre de ce petit monde, Octave Mouret, impitoyable séducteur, à qui on ne peut en vouloir tant il est souriant, aimable, fin. Pot Bouille me fait regretter amèrement une adaptation réussie de Au Bonheur des Dames.

7 commentaires:

  1. Très belle critique ! Je te rejoins tout à fait sur la performance de Gérard Philipe, à la fois assez sûr de lui lorsqu'il comprend le parti qu'il peut tirer de ses talents dignes de Don Juan, mais aussi même timide auprès des dames au début. J'aime beaucoup aussi Dany Carrel dans le rôle de la pauvre et délaissée Berthe qui s'amourache trop du bel Octave...
    Et comme toi, je me demande quand on verra une bonne adaptation du Bonheur des Dames...(soupir).

    Tatiana

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  2. Je me disais bien que tu viendrais faire un petit tour par ici Tatiana ! Ca me fait plaisir de te croiser !

    Comme toi, j'ai bien aimé Dany Carrel. Lorsqu'Octave lui propose un baiser, et qu'elle répond : "Quoi, déjà ?", c'est assez amusant !

    Et puis, je pourrais aussi mentionner Anouk Aimée, qui joue à merveille la candide Marie Pichon. Les courtes scènes entre elle et Gérard Philipe sont assez émouvantes (enfin, j'ai trouvé !)

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  3. Annwynn, voilà une superbe critique, et qui donne diablement envie de se laisse tenter d'une part par le roman et d'autre part par le film de Duvivier.
    Je révère l'Octave Mouret d'Au Bonheur des Dames, et j'avais à vrai dire toutes les appréhensions possibles à découvrir un aspect pas très reluisant de sa personnalité, même si celle-ci est bien entendu palpable dans le second "volet".
    Mais bon, si tout ça est présenté sous les traits de Gerard Philipe, on ne peut qu'admirer !!! ^_^

    A bientôt,

    Clelie

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  4. Bonjour Clélie !

    Octave Mouret, dans Au Bonheur des Dames, est un de mes personnages préférés. Pour tout dire, Au Bonheur des Dames reste mon livre préféré, sans que je puisse dire pourquoi.

    Avant de lire Pot Bouille, j'avais assez peur de la jeunesse d'Octave. En réalité, dans le roman, je n'ai pas tout à fait retrouvé Octave Mouret. On sent bien que c'est un jeune homme, et ses moeurs sont dépravées sans qu'on puisse entièrement l'excuser. Le personnage a moins de "classe" que dans Au Bonheur des Dames".

    En revanche, dans le film, c'est assez différent, comme je l'ai écrit dans mon commentaire. On sent qu'on a affaire au futur directeur du grand magasin. Pour ma part, j'ai perçu le personnage différemment. A mon sens, ceci tient à la fois au scénario, à la fois à Gérard Philipe.

    Le roman te décevra peut être, mais le film est un bon compromis entre le Mouret de Pot Bouille et celui de Au Bonheur des Dames, et pour le coup, je me suis complètement laissée séduire !

    En passant, j'en profite pour te dire que j'aime beaucoup ton blog. Je le lis régulièrement, et je me suis d'ailleurs permis de le mettre en lien (ci-contre). Il me semble d'ailleurs que c'est sur ton blog que j'avais découvert qu'il se préparait une adaptation d'Au Bonheur des Dames (c'était il y a un petit bout de temps déjà, et l'adaptation ne vient pas !)

    Merci en tout cas d'avoir laissé ce commentaire !

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  5. Merci pour ces précisions, Annwynn !
    Je vais tâcher de trouver ce film à mon prochain passage à la fnac... ^_^ ! Et le livre aussi d'ailleurs...

    Merci pour ton gentil mot au sujet de mon blog. Je viens de m'apercevoir d'ailleurs que je n'avais pas encore mis de lien vers ton site, ce qui est franchement impardonnable.
    Je répare ceci de suite.

    A très bientôt,

    Clelie

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  6. S'il vous plait j'aimerais savoir si c'est possible de se procurer le DVD de Pot-Bouille? Car j'ai lus le livre, mais j'ai absolument besoin que l'on m'aide à trouver ce DVD. J'ai cherché partout, dans n'importe quelle site et je ne trouve rien de concluant. Pensez-vous pouvoir me guider? En vous remerciant, une élève de Premiére Littéraire ( dans un besoin urgent) Merci.

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  7. Bonjour,
    Je suis vraiment désolée de ne lire votre message que ce soir, mais je n'ai pas eu accès à internet pendant cette dernière semaine.
    Pour ce qui est du DVD, il a été en vente pendant quelques temps, mais il n'est à présent plus édité. J'ai eu la chance de le voir et de l'enregistrer lorsqu'il est passé au Cinéma de Minuit sur France 3.
    J'espère que vous avez trouvé une solution depuis le 26 décembre, et je vous souhaite bon courage pour vos études.
    Encore désolée de n'avoir pu vous aider,
    Annwvyn

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